L’essor de la méthodologie «Demand Driven» dans le pilotage des stocks illustre la course à la résilience au sein des chaînes d’approvisionnement

Publié le 30/08/2022
Parole d'expert
Portrait Jérémy Catteloin

Jérémy Catteloin

Expert supply chain

Malgré une relative confidentialité dans un univers de la supply chain dominé par la méthodologie MRP – Material Requirement Planning – la méthodologie DDMRP – Demand Driven Material Requirement Planning – dérivée notamment du « lean management » commence à se faire une place dix ans après son introduction en France. Au-delà de meilleures performances industrielles, les défenseurs de la solution mettent en avant sa remarquable adéquation avec une époque dominée par l’incertitude et la quête de résilience à tous les échelons industriels. Rencontre avec Jérémy Catteloin, ingénieur expert en management des supply chain chez BEVOLTA.

- La méthodologie Demand Driven reste encore relativement méconnue en France. Quels freins rencontrez-vous auprès des entreprises industrielles et de distribution que vous rencontrez ?

Pour commencer beaucoup de top managers et même de directeurs supply chain méconnaissent les défauts de la méthode MRP – Material Requirement Planning – qui reste à ce jour la plus utilisée au sein des entreprises industrielles pour piloter les flux. Identifier les freins d’une méthode de gestion des flux comme le MRP demande une connaissance fine du mode de fonctionnement d’une supply chain et de l’ERP (dont le MRP constitue le cœur des calculs de flux), ce qui n’est pas toujours le cas du top management, loin de là. Par conséquent dans la mesure où beaucoup de décideurs voient mal les limites du calcul MRP, ils ne perçoivent pas forcément le besoin d’une solution alternative.

- Quelles sont ces limites ?

Le MRP – Material Requirement Planning – est génial en théorie mais il s’accommode assez mal de la réalité du terrain, des variabilités diverses et notamment des erreurs de prévisions, là où le DDMRP a un jeu de jambe beaucoup plus riche. En effet dans la méthodologie demand driven, et notamment dans les systèmes qui l’ont intégrée comme BEVOLTA, on a un champ des possibles en termes de paramétrages qui est nativement large et qui permet d’adresser la quasi-totalité des problématiques sans devoir développer des add-on Excel ou dévoyer l’utilisation du système ERP en place.

- On entend pourtant beaucoup de responsables supply chain dire que leur chaîne d’approvisionnement est déjà reliée à la demande – « Demand Driven » dans l’acronyme DDMRP – alors même qu’ils fonctionnent selon la méthodologie MRP classique. Comment l’expliquer ?

Dans leur esprit ils sont déjà tournés vers la demande dans la mesure où ils organisent et optimisent leur supply chain à partir des prévisions de demande. Ils pensent donc fonctionner en flux tiré. Donc quand ils voient « Demand Driven », ils se disent « on y est déjà ». Or il existe deux différences fondamentales entre la méthodologie MRP et le DDMRP. Je m’explique :

Piloter les stocks au plus près du besoin

Dans le calcul DDMRP on a vraiment la capacité de découpler le pilotage des stocks multi niveaux des prévisions de produits finis, tandis que dans le calcul MRP, quel que soit le niveau de la nomenclature tous les calculs sont basés sur une seule hypothèse : les prévisions de produits finis.

Ainsi, plus on regarde loin dans la nomenclature et plus on regarde finement, plus les erreurs de prévisions viennent s’amplifier. Donc là où l’erreur de prévision est admissible au titre du pilotage des stocks de produits finis dans un réseau de distribution, elle l’est beaucoup moins dans le pilotage d’une supply chain industrielle avec des niveaux de nomenclature beaucoup plus profonds et des délais de fabrication de plusieurs semaines voire plusieurs mois sur certaines références.

On le voit bien : utiliser les prévisions de vente d’un produit fini sur un horizon de 8 mois pour aller planifier demain la quantité du composant X qu’on doit fabriquer, c’est très casse gueule. Ce qui fait que dans beaucoup de supply chains, le résultat du calcul MRP qui tourne tous les jours n’est pas utilisé pour piloter ces niveaux-là de la nomenclature. C’est l’expérience de l’ordonnanceur ou du chef d’atelier qui vient déterminer les quantités à fabriquer, autrement dit le calcul MRP est très souvent débrayé sur une bonne partie de la supply chain industrielle. Souvent sans même que les managers en soient conscients !

Les utilisateurs du terrain constatent que s’ils appliquaient le calcul MRP, cela leur ferait prendre des décisions inefficaces voire contre-productives au regard du service client, de la productivité, bref de l’efficacité industrielle. Ils doivent ainsi développer des techniques d’interprétation en parallèle du calcul MRP. Pour un résultat souvent aléatoire…

Dans le calcul DDMRP en revanche on peut paramétrer à chaque niveau par rapport aux prévisions de produits finis et positionner un curseur sur le niveau d’indépendance qu’on veut utiliser à chaque point de la nomenclature, avec la possibilité de débrayer la dépendance par rapport aux prévisions des produits finis ou au contraire rester relié parce qu’on estime qu’on peut avoir confiance. On a donc un outil parfaitement adapté aux supply chains industrielles sur les différents niveaux de nomenclature depuis les matières premières jusqu’aux produits finis. Un outil également adapté aux supply chains de distribution dans la mesure où il facilite le pilotage des stocks et des flux dans un réseau de distribution.

Management visuel des stocks

L’autre élément différenciant essentiel est que les outils DDMRP ont été conçus avec des ingrédients clés du lean management, notamment le management visuel de la performance et l’autonomisation des utilisateurs.

Cela se traduit concrètement par des codes couleurs en fonction des différentes couches de stocks – on appelle cela les buffers – permettant aux utilisateurs de visualiser tout de suite s’ils sont dans le bon niveau du buffer ou s’ils sont au contraire en risque, en particulier vis-à-vis du stock de sécurité. Stock de sécurité qui, dans le système MRP, s’apparente à une vraie boîte noire puisque très peu de gens parviennent à les maîtriser. Quelques groupes ou industries ont développé des outils spécifiques en parallèle du MRP pour gérer ces stocks de sécurité. Ces outils utilisent précisément les bonnes pratiques qui sont celles du DDMRP, pour compenser les défauts du MRP classique.

En somme il faut retenir deux choses essentielles sur le DDMRP :

  1. Les calculs de besoin peuvent être découplés par rapport aux prévisions
  2. On a un outil visuel de management des flux et des stocks qui est une aide à la décision pour les utilisateurs qui peuvent travailler plus facilement par exception et ainsi être très réactifs.

Des outils DDMRP comme BEVOLTA permettent de bénéficier de ces bonnes pratiques de pilotage et de sécurisation des stocks, à moindre coût, tout en conservant son ERP pour la vision transversale et financière qu’il offre.

Propos recueillis par Ghislain Journé